Mara Saiz Gomis

« Mes photographies véhiculent des émotions des yeux jusqu'au cœur », explique la photographe d'art Mara Saiz Gomis. « Je photographie mes modèles sous toutes les coutures, de la peau à l'âme ».

La carrière de Mara associe la découverte de soi et la compassion, pour elle et pour les autres. Elle cherche également à perfectionner son art et son style personnel, souvent décrit comme vivant, féminin et parfois aérien. Confiante dans le potentiel de ses photos à changer des vies, elle permet à ses modèles de se voir à travers les yeux des autres, libérés de leur propre perception négative ou déformée.

Mara a fait ses premiers pas en tant que photographe professionnelle lorsqu'on lui a proposé de photographier le groupe de musique de son mari de l'époque. Mara se souvient avoir lu le manuel d'instructions de son Canon EOS 400D juste après l'avoir sorti de sa boîte dans le bus de tournée. « C'était comme si tout un nouveau monde s'ouvrait à moi », se souvient-elle. Bien qu'elle n'ait pas trouvé la photographie de groupe particulièrement épanouissante, Mara savait qu'elle souhaitait poursuivre son apprentissage et ses recherches à son retour chez elle. « J'habitais assez loin de ma famille et de mes amis, alors je m'exerçais seule. C'est ainsi que j'ai découvert la véritable magie de la photographie : l'autoportrait. »

Mara a développé un attachement particulier pour les autoportraits en vivant l'épreuve de son divorce en 2017, et par la suite lors de la pandémie du Covid-19. L'autoportrait s'est révélé une forme d'introspection fascinante pour Mara. « J'ai découvert une solitude merveilleuse et révélatrice que je n'avais jamais connue auparavant », se remémore-t-elle. « Ce processus m'a aidée à guérir mes blessures profondes ».

Après avoir réalisé le potentiel de la photographie, qui pouvait devenir bien plus qu'un hobby, Mara s'est inscrite à une formation de photographie pour améliorer ses connaissances en éclairage et en retouche. Malgré cette formation, Mara s'est principalement perfectionnée en autodidacte. « La formation est importante, mais mes connaissances proviennent de mon expérience et des expérimentations que j'ai menées lorsque je suis devenue mon propre modèle », explique-t-elle.

Elle évoque avec prudence les photographes qu'elle admire, préférant se forger son propre chemin. « Je redoute qu'ils exercent une trop grande influence sur mon travail personnel », poursuit-elle.

Comment préparez-vous vos séances de portraits ?

« Lorsque je réalise des séances avec des personnes, des modèles ou même des autoportraits, je m'accorde une grande liberté selon mon humeur du jour. Avant de photographier quelqu'un, j'ai besoin de connaître certains aspects de sa personnalité. J'établis un court questionnaire qui me permet de me rapprocher de la vision du monde de cette personne. J'ai besoin d'être en quelque sorte connectée à mon modèle pour que la séance soit fluide, et que nous soyons sur la même longueur d'onde ».

La couleur est manifestement une grande force dans votre travail, que signifie-t-elle pour vous ?

« C'est ma marque de fabrique. Je ne peux pas imaginer la vie sans couleur. En réalité, la photographie en noir et blanc est particulièrement difficile pour moi. Je trouve que le monde est déjà trop gris, je souhaite que mes photos expriment la façon dont je le vois. Ou plutôt la façon dont j'aimerais qu'il soit. La bulle de bonheur dans laquelle j'ai passé mon enfance, entourée de champs de blé, de chiots, de tournesols, de safran et de pâquerettes, ignorant tout des problèmes des adultes qui m'entouraient, peut se retrouver dans mes photos ».

Comment la photographie peut-elle favoriser l'estime et la découverte de soi ?

« Nous avons tendance à être très critiques et impitoyables envers nous-mêmes. Je souhaite que mes photos permettent aux autres de se voir différemment. Lorsque nous osons nous regarder sous un autre angle, de l'extérieur, nous nous voyons de la façon la plus réelle, et souvent la plus belle qui soit. Il faut parfois savoir changer le regard que nous portons sur nous-mêmes. Il faut apprendre à se regarder les uns les autres avec amour et respect, valoriser l'ensemble de nos expériences et être reconnaissant envers toutes les cicatrices émotionnelles et externes qui ont fait de nous les personnes que nous sommes aujourd'hui ».

« En tant qu'artiste, je pense qu'il est essentiel de réfléchir à la personne que nous sommes et à ce qu'elle représente. J'aimerais que tous les photographes de portraits réalisent l'importance d'apprendre à se regarder, particulièrement s'ils travaillent dans ce domaine. Au final, si l'on ne sait pas comment se regarder, comment peut-on regarder les autres ? »


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